L’artiste
et le modèle. Le modèle prend place, vêtu ou nu, parfois accompagné de
ses objets fétiches ou favoris, il s’installe dans l’espace et se
l’approprie. Au milieu de la pièce, au sol, entre le modèle et la
peintre, une surface vierge est prête à recevoir formes et couleurs au
fur et à mesure de la conversation. C’est par ce prisme de la rencontre
avec l’autre que Christiane Durand peint. Les modèles se théâtralisent,
ils parlent, ils se livrent. À même le sol, une palette remplie de
couleurs vives, des gros pinceaux dans les mains, Christiane écoute,
rêve et à coup de grands gestes dresse un portrait de l’autre et de
l’espace qu’il s’est créé. Elle immortalise le moment de la rencontre.
Elle fait de cet instant une expérience singulière, un « happening
psychothérapique ». La peinture de Christiane, c’est l’histoire des
autres, de ses amis d’abord qui défilent dans son atelier depuis le
début des années 1980, puis d’inconnus qu’elle choisit. Certains sont
rencontrés lors de ses voyages ou croisés par hasard. D’autres, des
artistes, des comédiens, des figures gays ou des travestis qui ont
traversé la vie de l’artiste et l’ont fascinée pour leur liberté et leur
capacité à la métamorphose. Chez Christiane, le réalisme n’a pas sa
place. Dans ses peintures, les modèles se transforment, le réel se
réorganise et son univers magique se déploie. Dans son oeuvre, elle
donne une place primordiale aux rêves, à la spiritualité et au
mysticisme. Les compositions, qui se construisent à travers l’imaginaire
de l’artiste à l’écoute de son modèle, créent des scènes oniriques qui
confèrent aux œuvres un caractère parfois « surréaliste ». Dans sa
peinture, qui souvent s’étend sur l’encadrement, la gestuelle est libre,
la couleur est en fête, les lignes sont larges, les courbes viennent
envelopper les sujets, les formes s’entremêlent et les éléments
fusionnent. L’artiste se plait à jouer avec les échelles. Dans certaines
scènes, parmi les figures humaines, l’artiste crée un environnement aux
multiples symboles, des objets, une faune et une flore flamboyantes et
imaginaires. C’est une peinture généreuse à la densité picturale
particulière qui rappelle certaines peintures de l’allemand Ernst Ludwig
Kirchner mais aussi celles de Paul Gauguin. Christiane Durand naît en
1948 à Albi, d’une mère d’origine Lorraine et d’un père originaire du
Tarn. En septembre 1969, elle quitte sa ville natale pour Toulouse et
étudie l’histoire de l’art à l’Institut d’Art et d’Archéologie de
l’Université de Toulouse et le dessin à l’École Supérieure des
Beaux-Arts de Toulouse puis s’installe à Paris en septembre 1972 pour
poursuivre ses études à la Sorbonne Université et aux Beaux-Arts de
Paris. Sa peinture d’abord non figurative devient au début des années
1980 figurative et explosive de couleurs. Elle consacre sa vie à son
oeuvre et invente un univers singulier riche de références, qui se
nourrit des rencontres et incite aux rêves. Pourtant exposée dans le
monde entier et défendue avec passion par la célèbre galeriste
américaine Darthea Speyer jusqu’à la fermeture de sa galerie en 2010,
l’œuvre de Christiane Durand est restée insuffisamment reconnue. Cet
accrochage est l’occasion de remettre en lumière son travail et de
présenter certaines de ces œuvres emblématiques.
Texte de l’exposition par Lucas Djaou, commissaire de l’exposition.
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